Voici un long extrait des Statistiques industrielles de la Loire, 1835 [Pey, pp. 199-201] décrivant le trafic des rambertes sur la Loire au port de la Noirie.
Statistiques industrielles de la Loire, 1835.
[... Le nombre moyen des bateaux expédiés par la Loire est de 2500 par an [...] La plupart des bateaux sur lesquels s'exporte la houille se fabriquent dans l'arrondissement de Montbrison. Un petit nombre descend du département de la Haute-Loire et de Retournac, premier chantier de construction qui expédie des bateaux vides. Une partie se charge à six ou huit voies (de 30 hectolitres) au port de la Noirie, voisin de Firminy, le reste est conduit directement à Saint-Just et Andrézieux, où sont les principaux dépôts de houille. On peut évaluer à 150 annuellement le nombre de bateaux qui descendent la Loire en amont de Saint-Just. Le tiers ou la moitié arrivent avec un demi chargement de houille de Firminy.

Le chargement de troix bateaux partis d'Andrézieux n'en garnissent plus à Roanne que deux sur lesquels se répartit la charge du troisième qui est vendu à environ 100 fr de rabais et employé aux transports des vins et houilles du Creuzot et de Decize.

Ces bateaux ont 26 mètres de longueur sur 3 mètres 50 de largeur. Ils sont en bois de sapin et pin, d'une construction extrêmement légère, en sorte qu'en traversant les chutes naturelles ou artificielles (celles des moulins) du fleuve, ils plient sans se briser. Vides, leur tirant d'eau n'est que de 8 à 10 centimètres, et leur surface d'environ 100 m. carrés.

En quittant la plaine d'Aurec, la Loire entre dans le département en suivant un lit sinueux resserré par des montagnes très élevées, les coteaux de l'une et l'autre rive jusqu'à 5 kilomètres en amont du pont de Saint-Just, ne présentent que des rochers stériles très inclinés et quelques fois taillés à pic.

Il y a peu d'années, la Loire ne commençait à être flottable qu'à Confolent, situé à 26000 mètres au dessus de la limite supérieur du département de la Loire. Le flottage n'avait lieu que jusqu'au port de la \textbf{Noirie}. Il consistait en une petite quantité de bois de pins et de sapins qu'on expédie à bûche perdue. Ces bois étaient employés en grande partie pour étançons dans les mines de Firminy. Mais depuis 1822, l'ouverture de la navigation de la Noirie à Saint-Just ayant fait sentir le besoin de se procurer des bateaux dans la Haute-Loire, des chantiers de construction furent établis à Confolent et divers autres points dont le plus éloigné est Retournac; il en descend, chaque année, un certain nombre de barques dont une partie reçoit un demi-chargement (6 à 7 voies de houille) dans le port de la \textbf{Noirie}, et le reste est conduit à vide aux ports de Saint-Just et d'Andrézieux.

C'est en 1809 que les propriétaires de la concession houillère de Firminy et Roche-la-Molière offrirent de rendre la Loire navigable entre la Noirie (port situé au dessous de Saint-Paul-en-Cornillon) et Saint-Just, moyennant la concession d'un péage. Ils firent même exécuter quelques travaux pour débarrasser le lit de la rivière des principaux obstacles qui l'encombraient. [...]

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La Loire présente de graves difficultés à la navigation. Son lit, hérissé d'écueils, est coupé transversalement par trois écluses de moulins qui semblent s'être formés naturellement. Elles se composent de roches roulantes amoncelées dans toute le largeur de la rivière par le courant, et auxquelles on a ajouté quelques jetées en pierres pour parvenir à rassembler dans un bief latéral la quantité d'eau nécessaire au jeu de trois ou quatre tournans de moulins (on a conservé à travers ces barrages un pertuis de 15 à 20 mètres de largeur pour le passages des bateaux). Les chutes sont de 1 mètre 20 à 2 mètres. À la première est dû le bassin et le port de la \textbf{Noirie}. Sa disposition dans une partie droite du courant n'est pas un obstacle à la navigation. La deuxième présente, au contraire, le passage le plus redoutable, parce qu'elle se trouve dans un tournant et dirige sa chute vers des rochers contre lesquels les bateaux vont souvent se briser. La troisième, moins dangereusement placée, ne nuit pas essentiellement. Les moulins sont loin d'être au dessus des inondations; ils ne sont d'usage que dans les temps de sécheresse, lorsque les autres moulins du pays ne peuvent plus travailler. On en compte sept d'une valeur moyenne de 20000 fr. Cette valeur serait bien plus considérable, si on pouvait y arriver par de bons chemins.

Malgré toutes ces difficultés, on y fit quelques travaux d'amélioration, et les premiers essais de navigation descendante eurent lieu en 1817. Ils réussirent; le nombre des expéditions alla toujours en augmentant jusqu'en 1822, époque où les mines de Firminy seules exportaient annuellement 50 à 70000 hectolitres de houille répartis sur 3 ou 400 bateaux. Les crues qui permettent le départ des bateaux arrivent 5 à 6 fois par an, et durent 8 à 10 jours chaque fois. Les eaux s'élèvent quelquefois à une hauteur considérable et prennent une vitesse extraordinaire. Les bateaux qui descendent de la \textbf{Noirie} ne tirent pas plus de 0 mètre 45; ils portent 180 à 200 hectolitres de houille (14 à 16 tonnes); mais depuis quelques années, les expéditions ont sensiblement diminué, et en 1833 il n'est pas descendu plus de 70 bateaux dont 30 chargés.

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